Issu d’une famille de parfumeurs grassois, Vincent Ricord, 44 ans, a grandi à Nice avant de s’installer à Paris. Il rejoint aujourd’hui la maison de composition française TechnicoFlor. Entretien.
Parlez-nous de votre parcours ?
Les membres de ma famille, sauf mon père, étaient dans cette industrie, cela me faisait rêver. Ils parlaient des odeurs qu’ils avaient découvertes lors de leurs voyages. Mon mode d’expression était plutôt la musique ou le dessin. Ma chance était de connaître l’existence de ce métier. J’ai appris en commençant par un stage à 19 ans chez Expressions Parfumées où je ne devais rester que quelques semaines et où je suis finalement resté… 15 ans ! Pendant mon apprentissage, j’ai pu découvrir tous les métiers d’une maison de composition, tout en apprenant les matières premières et les accords majeurs, avant de devenir jeune parfumeur. J’ai pu formuler sur tous types de supports : les eaux de toilette/parfums, les cosmétiques, les produits d’hygiène, les cosmétiques solides, les parfums de maison, et tout cela en étant accompagné de l’expertise bienveillante de grands parfumeurs.
Quelles sont vos matières premières fétiches ?
Je n’en ai pas, cependant certaines matières résonnent en moi de manière plus personnelle, comme celle de mon décor d’enfance : la fleur d’oranger et la lavande, surtout depuis que je me suis installé à Paris ! J’aime aussi beaucoup le patchouli qui me rappelle une chanteuse de jazz, ainsi que les odeurs éblouissantes du Moyen-Orient où j’ai eu la chance de travailler : le safran, le oud, le papyrus, l’encens… Chaque ingrédient me fait voyager. On ne peut pas créer un parfum si on ne rêve pas, le parfum est avant tout une émotion. Chaque essence est l’opportunité d’explorer de nouveaux champs de création.
Pourquoi avoir choisi de rejoindre TechnicoFlor ?
Ce que j’ai tout de suite apprécié chez TechnicoFlor c’est l’esprit familial. Étant issu d’une famille de parfumeurs, intégrer une maison de composition familiale prend tout son sens pour moi. Les valeurs de transmission, qui me sont chères, font partie intégrante de l’ADN de la maison. Au-delà de la dimension familiale, j’ai été séduit par l’énergie des équipes et l’engagement environnemental et sociétal de l’entreprise.
Quelle est votre mission ?
En tant que parfumeur engagé, c’est de continuer à transmettre des émotions tout en construisant la parfumerie du futur avec des enjeux qui ne sont plus les mêmes qu’auparavant : l’écoresponsabilité. Nous devons créer et produire en tenant compte des enjeux d’aujourd’hui et de demain sans altérer la sensorialité de nos parfums et l’émotion qu’ils transmettent. TechnicoFlor a toujours été avant-gardiste sur le sujet, le Flor-Index, notre éco-score, mesure par exemple l’impact environnemental et sociétal des parfums validé par Afnor certification.
Quelles sont vos passions en dehors du parfum ?
Je suis un amoureux de la musique, je pratique la guitare et la basse, et je peins aussi beaucoup. J’ai d’ailleurs longtemps hésité entre la parfumerie et la musique, mais je continue aujourd’hui à jouer pour le plaisir. Étant d’un naturel curieux et ayant la chance d’avoir un métier créatif, tous les arts me nourrissent énormément. Que ce soit en musique, en peinture, ou en parfumerie, on essaie de composer : c’est le même langage.
Comment caractérisez-vous votre style ?
Je travaille sur des concepts créatifs très variés, et je réponds aussi au cahier des charges de nos clients. Quand on me dit que l’on reconnaît ma signature olfactive, cela me fait plaisir et m’effraie aussi. Car la redondance dans les compositions me fait peur. J’essaie toujours de provoquer des « accidents » dans mes créations pour qu’elles puissent interpeller, créer une émotion. Ce qui me passionne dans la formulation, c’est la capacité de transformer un accident, en opportunité, de rendre harmonieux ce qui pourrait heurter les sens. Un des parfums que j’ai créé et qui me touche : l’Eau Révée d’Ikar de Sysley, s’y entremêlent la fraîcheur singulière de la feuille de lentisque, l’effet doux-amer du bigaradier et la sensualité de bois irisés.
Qu’est-ce qui vous inspire pour composer ?
Ce qui m’anime quand je crée, c’est associer une image à un accord, le conceptualiser. Par exemple, une tubéreuse trempée dans un verre de lait. Ou encore, une petite orange glacée que vous mangez givrée quand il fait très chaud l’été. Le bonheur de cette émotion givrée, c’est une émotion forte et je vais la mettre en odeur, avec une feuille de menthe si on est sur une eau de Cologne. L’image crée l’émotion du départ. J’aime écouter les projets, les personnes et raconter leurs histoires en parfums.
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Je travaille un accord hibiscus et figue, un cœur de macaron-framboise et un patchouli « en smoking » : une note d’ambiance qui est une digression d’un parfum que je trouvais dans la voiture de mon oncle parfumeur dans une boîte de café Malongo…
